De l’art des griots à Medicine Man Orchestra

Medicine Man Orchestra (MMO), c’est une aventure temporelle, un balancement au gré des âges, des dimensions, des géographies cognitives ou cartographiques. C’est un spectacle qui se propose de vous emmener aux confins de multiples réalités : celle des héritages des griots d’Afrique de l’Ouest (djeli), des musiques électroniques d’avant-garde et des technologies audio-visuelles de pointe. La trame de fond : une Afrique en mouvement où des rythmes mémoriels résonnent avec des sonorités urbaines afin de tisser de nouvelles partitions narratives.

Les trois protagonistes du spectacle se font ainsi pionniers d’un objet sonore hybride empreint de mysticisme nébuleux, faisant la part belle aux processeurs d’effets, tout en restant fidèles à l’aura hypnotique propre à l’enchantement des récits de l’Ancien Empire Mandingue.

Le Griot, agitateur des consciences

Le griot est avant tout un conteur, historien, dont le savoir se transmet oralement et musicalement, de génération en génération. Seidou Barasuno, dit le griot Barasuno, est donc l’ambassadeur de la tradition héritée par son père, lui même griot de la cour royale baatonu, conteur de l’histoire  dynastique des Wassangari et des panégyriques de leurs princes. Pour Barasuno, c’est le karanku, le tambour de poitrine traditionnel qui fait office d’instrument de prédilection et de médium musical. Porté par le legs de ses ancêtres, il est un passeur, à son tour, convaincu que chaque instrument possède sa propre aura et chaque mot sa tonalité.

Pour un griot, la mélodie est avant tout affaire de sens et la parole force de purification. « Le griot est un métier sculpté dans des règles, valeurs et principes. Car un griot est certes un artiste mais il est par essence un médiateur social né. » (Barasuno) Sur les modulations d’une langue Baatonu sémantiquement riche, Barasunovous invite alors à vous engouffrer tant dans une danse jubilatoire que dans une introspection apaisante. C’est ainsi que l’expression musicale revêt dans MMO une épaisseur éthique inhérente à la volonté pédagogique du griot, spectre oratoire qui vous emmène sur la voie de la sagesse.


À la conquête d’un autre espace-temps

Le jeu de la narration, la puissance performative du verbe, les griots comme les slameurs ou adeptes du spoken word en ont bien saisi toute la force. Des passerelles édifiantes s’établissent entre griots et militants d’un autre monde. Au cœur d’un réalisme magique, métaphysique et cosmogonies du griot paraissent invariablement détenir le secret des équations posées par l’existence tandis que des démarches artistiques résolument contemporaines, à l’instar de celles rattachées au mouvement panafricaniste de l’afrofuturisme, refusent la linéarité occidentale du temps entre passé, présent et futur. Comme le suggérait le penseur Édouard Glissant, l’enjeu est de « rouvrir l’accès aux gisements du futur ».


Prôner une identité connectée, subversive et inventive, propulser les racines de l’Afrique dans le futur à travers l’art avec les outils de la technologie : telle est l’ambition de Medicine Man Orchestra qui, grâce à une musique afroélectro 2.0, vous convie à un voyage visuel extatique des plus nobles. Onirisme, beauté, effervescence, tous les ingrédients sont là pour se laisser aller à une plongée dans l’intime le plus universel.
À travers cette exploration dans les méandres de la voix, du son, MMO n’est pas si loin du film culte de science-fiction Space is the place où Sun Ra effectuait un voyage interstellaire dans un monde fantastique, terre d’asile à l’Amérique de la ségrégation.